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LA RENAISSANCE CAROLINGIENNE.

La situation à l'époque de Charlemagne

Dès le début du VIIIe siècle l'économie qui s'était maintenue, jusque là, tant bien que mal, s'était effondrée. Les conquêtes arabes avaient bloqué les échanges commerciaux extérieurs, la seule richesse restait l'agriculture ; le commerce intérieur était quasi inexistant. De plus les troubles et les guerres avaient précipité le désastre culturel. Charles Martel, en arrêtant les arabes à Poitiers avait aussi brûlé les villes du midi les plus florissantes, faisant disparaître tout ce qui restait d'organisation municipale et commerciale. Même l'église avait été ébranlée et une grande partie de ses écoles avaient disparu. À l'époque de son fils, Pépin le Bref et des autres "Peppinides", on peut dire que les rois, les maires du palais, les nobles et le peuple étaient illettrés (ni Pépin ni Charlemagne ne savaient écrire). Le clergé séculier était grossier et inculte. Mêmes les évêques et les cloîtres furent entraînés à partir du VIIe siècle dans les luttes politiques et la décadence intellectuelle.

Il restait cependant dans l'Église, quelques foyers de culture mais d'une valeur limitée notamment dans les pays les plus proches de Rome où la conception de l'enseignement des clercs était très semblable à celle qu’avait définie le pape Grégoire le Grand (540-604) : le chant liturgique, la lecture et l'écriture, le Nouveau Testament et les Psaumes, à l'exclusion de tout le reste des arts libéraux. Encore faut-il ajouter que le latin des gens d'église était très corrompu par rapport au latin classique.

La société civile, purement agricole et militaire, parlait une langue qui s'éloignait de plus en plus du latin et elle n'avait que faire de la culture. L'administration royale n'ayant plus de bureaucratie, n'avait plus besoin de lettrés. Les quelques clercs nécessaires lui étaient fournis par l'Église.

 

Le dessein de Charlemagne. 

Dès le début du VIIe siècle Grégoire le Grand puis ses successeurs avaient commencé à établir la puissance de la papauté, en s'efforçant de centraliser l'Église et de l'organiser d'une façon étatique, en se rendant indépendants de l'Empire d'Orient et en s'appuyant sur l'Austrasie et les Carolingiens. Avec Charlemagne, l'idéal du Roi devient celui de faire régner ici-bas les préceptes divins et donc de gouverner avec l'Église. L'Empereur est le délégué temporel du Pape, ces deux autorités, quoique distinctes, doivent être aussi unies que l'âme l'est au corps, ainsi que le disait Saint Augustin.

Or l'Église, en Europe occidentale, est tombée dans une sorte de barbarie. Son latin, son chant liturgique, son écriture, ses mœurs, sont corrompues. Pour Charlemagne, l'organisation solide de l'État, conçu sur le modèle de l'Église, est liée à la réforme intellectuelle et morale du clergé. Cela d'autant plus que celui-ci devait lui fournir le personnel nécessaire à son administration. Il pensait également former un personnel laïc en le faisant instruire dans les écoles de l'Église. 

Pour cela il réclame une organisation sévère des études, avec, dans chaque diocèse, des écoles élémentaires ou paroissiales et des écoles supérieures, cathédrales ou abbatiales. Il impose les règles du chant et l'écriture carolingienne, l'étude des livres saints et des lettres antiques, et le retour à un latin classique qui devait être la langue officielle de l'État.

On en voit les conséquences, à savoir : le quasi-monopole de l'Église sur l'enseignement ; le fossé de plus en plus profond et en quelque sorte institutionnalisé entre la langue officielle devenue une langue morte, figée sur le modèle "cicéronien", et le latin vivant et populaire qui évoluera de plus en plus vite en s'éloignant de lui et enfin la constitution d'une caste religieuse ou formée par l'Église, ayant un grand prestige par l'usage d'une langue incompréhensible à la plupart des gens, disposant de tous les instruments de la culture et de l'administration (puisqu'elle impose sa langue et sa culture), et influençant toute la société.